L’étage de végétation méditerranéen humide.
Le climat méditerranéen humide est le moins sec de tous les climats méditerranéens, l’étage de végétation qui en est la réplique est le nec plus ultra de nos milieux forestiers. La pluviosité n’est nulle part au Maroc plus élevée. Bien que les étés soient toujours secs comme c’est le cas pour tout climat méditerranéen, il n’en demeure pas moins que les orages sont assez fréquents surtout en montagne et sont favorables à la régénération naturelle des forêts puisqu’ils permettent aux semis de bénéficier d’une escale technique pour dépasser le cap stressant de la saison sèche.
Cet étage est localisé au Maroc entre l’étage de végétation subhumide à qui il succède en altitude, et l’étage semi-aride froid qui le domine aux sommets des hautes montagnes. Il existe aussi en Algérie et en Tunisie dans les zones les plus arrosées, ainsi qu’en Asie Mineur. En Europe occidentale, on le trouve en France, Italie, Balkans et péninsule Ibérique, faisant la transition entre le climat méditerranéen et le climat de l’Europe tempérée. En dehors de la Méditerranée, il n’existe qu’en Californie.
Au Maroc il existe sous forme de lambeaux dispersés sur le Rif, le Moyen Atlas et le Grand Atlas. Dans le Rif, on le trouve dans le Tangérois et les sommets de la chaîne. Dans le Moyen Atlas, il existe au sud de Taza, dans la région d’Ifrane-Azrou, et sur les sommets de la partie occidentale de cette chaîne. Dans le Haut Atlas, il ne se développe que sur le versant nord et existe sous forme d’îlots disséminés entre les Seksaoua et les montagnes du Masker et d’El Ayachi.
Dans les forêts les moins dégradées par l’homme, la richesse de l’étage humide en espèces arborescentes et arbustives(Phanérophytes), la densité et l’aspect des peuplements, rappellent les forêts ombrophiles intertropicales, toutes proportions étant évidemment gardées. L’étage méditerranéen humide est le milieu du Cèdre de l’Atlas, du Sapin du Maroc, du Pin maritime, des Chênes à feuilles caduques : le Chêne Zeen(Quercus faginea) et le Chêne Tauzin(Quercus Toza), ainsi que des Chênes à feuilles persistantes : Quercus Ilex et Quercus Suber.
Parmi les espèces Phanérophytes accompagnatrices les plus importantes, on peut citer :
Le Genévrier Oxycèdre(Juniperus Oxycedrus) qui occupe une grande place, l’Erable de Montpellier(Acer monspessulanum), l’If(Taxus baccata), le Houx(Ilex aquifolium), le Rosier(Rosa canina), le Bouleau(Betula alba), les Aubépines(Crataegus monogyna, C.Lacineata), les Alisiers(Sorbus torminalis et S. aria), les Ronces(Rubus ulmifolius), les lianes qui grimpent sur les arbres(Smilax aspera, Hedera helix, Clematis cirrosa)….etc.…
Les forêts de conifères.
Le cèdre de l’Atlas est une espèce endémique du Maroc et de l’Algérie. Au Maroc, il trouve son optimum écologique dans l’étage humide froid. Il existe dans le Rif, le Moyen Atlas et le Haut Atlas oriental, où il occupe les versants exposés à l’action bienfaitrice des vents d’ouest chargés d’humidité. Il fait son apparition à une altitude inférieure qui varie entre 1350 et 2000 mètres en fonction des conditions stationnelles. Plus les conditions sont favorables, plus le cèdre descend dans les ravins à sa limite inférieure. Sa limite supérieure oscille entre 2700 et 2800 mètres, elle est donc presque constante comparée à son altitude minimale. Au-dessus du cèdre, seul le Genévrier thurifère peut pousser dans cet étage semi-aride froid des hautes altitudes marocaines, accompagné des xérophytes épineux.
Mais le thurifère peut être un des éléments des cédraies très continentales qui sont moins humides et qu’on trouve dans le Haut Atlas oriental et sur le versant sud du Moyen Atlas. Il est généralement très rare dans les cédraies d’Azrou et d’Ifrane où la pluviosité est élevée. Les cédraies avec thurifère sont peu denses et dépourvues d’espèces fidèles au cèdre telles : l’If, le Houx, l’Erable, Sorbus. Le Chêne vert y est rare.
Le cèdre de l’Atlas est une espèce à tempérament continental, et c’est probablement la raison pour laquelle il est absent dans le Grand Atlas occidental qui est suffisamment humide mais trop océanique pour convenir à cet arbre remarquable.
Quant au Sapin du Maroc (Abies pinsapo ssp. Maroccana), il n’existe que dans le Rif, sur les montagnes calcaires à l’est de la ville de Chefchaouène, à des altitudes variant entre 1300 et 2100 mètres. Il est accompagné du cèdre qui le domine sur les crêtes, de Pin maritime, de pin noir, de Chêne vert, de Chêne Zeen, de Genévrier Oxycèdre, d’If(Taxus baccata), d’Aubépines. etc.
Le Pin maritime du Maroc(Pinus pinaster ssp. Hamiltonii. Var. moghrebiana et var. iberica) de l’étage méditerranéen humide existe dans le Rif et le Moyen Atlas. Dans le Rif il se mélange avec le cèdre, le Sapin, le Chêne-liège ou le Chêne vert selon la nature du substratum.
Le Chêne-liège qui est calcifuge domine sur sols siliceux. Dans le Moyen Atlas, les pinèdes sont plus importantes et forment de belles futaies peu mélangées avec le cèdre, l’Oxycèdre et le Chêne vert. Il est à noter que la race marocaine croît parfaitement sur sols calcaires, ce qui n’est pas le cas pour le pin maritime des Landes(P pinaster ssp. atlantica) qui est nettement calcifuge.
Par ailleurs, il existe dans le Rif quelques peuplements de Pin noir du Maroc(Pinus nigra ssp moghrebiana), qui est une remarquable relique floristique.
les forêts de feuillus.
Quatre espèces de Chêne forment des forêts dans l’étage bioclimatique humide : le Chêne vert(Quercus Ilex), le Chêne-liège(Quercus Suber), le Chêne Zeen(Quercus faginea) et le Chêne Tauzin(Quercus Toza). Seules les deux dernières espèces sont à feuilles caduques.
Le Chêne vert se comporte fièrement dans cet étage où il forme de belles futaies surtout dans le Moyen Atlas. Les Chênaies de Quercus Ilex de la forêt d’Azrou et celles du massif de Tazekka sont très démonstratives à cet égard. On en trouve aussi dans le Rif, dans les ravins humides de la région d’Oulmès et ceux du Haut Atlas où elles ne peuvent se différencier que sur de petites surfaces. Ces Forêts prennent pied sur des terrains à sols profonds. Elles sont riches en humus, en Mousses et en Lichens. Leur cortège floristique comporte : Juniperus Oxycedrus, Acer monspessulanum, Taxus baccata, Sorbus torminalis, Ilex aquifolium, Rosa sp., Rubus ulmifolius, Ruscus aculeatus, Crataegus monogyna et des lianes qui grimpent sur arbres comme Smilax aspera, Hedera helix, Clematis sp.. Les Cistes se rencontrent dans les clairières(Cistus laurifolius et Cistus salviifolius.).
Le Chêne-liège existe aussi dans l’étage méditerranéen humide, mais l’excès d’humidité et de froid l’élimine au bénéfice du Chêne Zeen et du Chêne vert qui est l’espèce la plus plastique de nos essences forestières.
C’est ainsi que, dans cet étage, le Chêne-liège n’existe que dans le Rif occidental et central, et dans le massif du Tazzeka au sud-ouest de la ville de Taza. Son cortège floristique se compose de Erica arborea, de Cytisus triflorus, la Fougère aigle(Pteris aquilina), de Cistes.etc. Dans le Rif les autres Chênes se mélangent à lui, les Cistaies sont un élément permanent du paysage floristique de ces milieux.
Le Chêne Zeen et le Chêne Tauzin sont les seuls Chênes à feuilles caduques que nous ayons. Le jaunissement printanier du feuillage de leurs peuplements donne aux paysages un éclat particulier rappelant les forêts décidues des régions à climat tempéré d’Europe.
Le Chêne Zeen existe surtout dans la partie occidentale du Rif, dans le Tangérois, dans le Moyen Atlas et sur le Plateau Central, dans les forêts d’Oulmès, il est une rareté dans le Haut Atlas. Il occupe les stations les plus humides où ni le Chêne-vert, ni le Chêne-liège, ni le Cèdre ne peuvent le concurrencer. Le fait de sa présence sur ces trois chaînes et sa raréfaction en allant du nord vers le sud laisse supposer qu’il fut un temps où un climat plus humide régnait sur le Maroc et où cette essence forestière aurait occupé une aire très étendue.
La forêt de Djaâba qui existe entre El Hajeb et Ifrane, est presque pure, elle a un sous-bois composé d’espèces accompagnant le Chêne-vert et le Cèdre comme Crataegus monogyna, Rubus ulmifolius, Rosa canina. Etc. on y rencontre aussi le Chêne-vert et le Chêne-liège. Cette dernière essence, étant calcifuge, ne se rencontre que sur les coulées basaltiques qui étaient recouvertes d’une Suberaie que le Chêne-Zeen avait complètement envahie.
Quant au Chêne Tauzin, il ne se trouve que dans le Rif où il n’occupe que de faibles surfaces dans la région de Chefchaouène et dans le Tangérois. Dans les stations humides et embrumées, il forme des forêts denses en raison de sa grande capacité de drageonner. Il se mélange aux trois autres Chênes à son horizon inférieur, et au Cèdre à sa limite supérieure. Parmi les espèces accompagnatrices on peut citer ; Crataegus monogyna, Daphne Laureola, D. Gnidium, les Cytises et les Cistes.
Publié par driss abdelouafi